La discrimination en guise de déontologie - Lettre ouverte au Conseil de l'Ordre
Monsieur le Président du Conseil provincial du Brabant francophone,
Ce 17 janvier 2015, le groupe sudpresse a publié une interview d'un de nos confrères, le Dr Stéphane Résimont, exerçant à Bruxelles. Ancien candidat du parti d'extrême-droite PP, il explique refuser désormais de soigner les "barbus et les voilées" sous prétexte d'une "peur licite" résultant de la "guerre" en cours. Sidéré par ces déclarations, j'ai été consterné des réactions de l'Ordre et de la Fédération des Associations des Généralistes de Bruxelles se retranchant derrière la liberté de choix du praticien, inscrite dans notre code de déontologie, et renvoyant le Dr Résimont a sa conscience personnelle ou, le cas échéant, aux tribunaux.
J'apprend donc qu'apposer à ma porte "Ne soigne pas les blancs" ou "Refuse les patients juifs" n'enfreindrait nullement les règles déontologiques encadrant notre exercice. Heureusement, il n'en est rien.
Il n'en est rien car la déontologie, du ressort de l'Ordre, est un ensemble de droits et de devoirs qui ne se limite nullement au code. Elle est constituée hiérarchiquement, pour le meilleur ou pour le pire, de la conscience personnelle, du code, des lois, de la constitution, des traités internationaux. Or, sans même évoquer les articles du code traitant de la justice et de l'humanité, la loi belge condamne explicitement certaines discriminations et incitations à la discrimination, y compris dans le domaine de la santé, dont celles basées sur la religion, la culture ou l'origine ethnique. Il en est de même de divers traités engageant la Belgique.
Tout médecin peut refuser ses soins sans avoir à s'expliquer et tout patient peut refuser de même les soins d'un médecin. Ce qui est nécessaire. De par le principe de liberté individuelle et de par la confiance et la sérénité qu'exige une relation thérapeutique. Mais si le médecin ou le patient s'en explique, il doit être prêt à en assumer la responsabilité. Dans le cas présent, le Dr Résimont a non seulement choisi d'expliquer ses choix mais de les médiatiser. Ses déclarations enfreignent les lois précitées et portent gravement atteinte à l'image d'honorabilité de la profession auprès d'une partie de la population.
Le choix de porter cette affaire en justice relève des prérogatives du parquet et du centre interfédéral pour l'égalité des chances. Cependant, sur le plan déontologique, si l'Ordre et les associations de médecins ne réagissaient pas fermement face à cette affaire, cela serait aussi insensé que déshonorant pour nous tous.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs,
Edit : il se fait que suite à cette lettre ouverte, plusieurs billets signés aussi anonymement que lâchement "Christalline" ont été publiés sur le site d'extrême-droite "www.l-union-fait-la-force.info" hébergé par la société française "o2switch" et relayant la propagande du Front National français et de divers groupuscules néo-nazis belges. Ces billets, glorifiant le Dr Résimont et appelant les médecins à pratiquer massivement une discrimination ethnico-religieuse à l'encontre de leurs patients, me citent et m'insultent nommément tout en publiant sans autorisation une photographie de ma personne m'appartenant.
Les animateurs de ce site et leur hébergeur se livrent à mon sens à des activités criminelles (incitation à la discrimination, diffamation, violation du droit d'auteur et à l'image) méritant plus que le mépris. Si la justice avait plus de moyens et de volonté, ils mériteraient une sanction pénale.